Mobilisation pour garder le leadership européen en matière de recherche
Outre un Conseil des Ministres de la Recherche dédié à l’attractivité des chercheurs et au rôle de la science dans l’élaboration des politiques publiques, ce mois de décembre a été marqué par le lancement d’un groupe de haut-niveau pour préparer l’après-2027.
L'espace européen de la recherche (EER), lancé en 2000 et régulièrement actualisé, vise à créer à l'échelle de l'UE un marché unique de la recherche, de l'innovation et de la technologie. Pour bien fonctionner, cet espace doit garantir la libre circulation des connaissances et des chercheurs, qui représentent près de deux millions de personnes. Dans le cadre de cet espace européen de la recherche, il est souvent constaté une certaine précarité des chercheurs, notamment ceux en début de carrière, avec des salaires, une protection sociale ou encore des conditions de travail qui sont très variables. D’autre part, il est devenu indispensable de faciliter les passerelles, par exemple en soutenant les chercheurs qui souhaitent créer leur entreprise. Pour "attirer et retenir les chercheurs, l'innovation et les entrepreneurs talentueux en Europe", les 27 Ministres ont donc trouvé un accord politique le 8 décembre 2023. Le texte de la recommandation a été adopté sur la base d’une proposition de la Commission datant de juillet dernier. Non contraignante, la recommandation définit les professions de recherche et invite les Etats membres à mettre en place certaines mesures pour faciliter la reconnaissance des différentes expériences de recherche et à mieux les valoriser, pour garantir une rémunération proportionnée, pour assurer un équilibre entre vie professionnelle et vie privée, pour garantir l’accès à une protection sociale, ou encore pour lever tous les obstacles dans le déroulé et les évolutions de carrière, notamment si les chercheurs se lancent dans une carrière entrepreneuriale. Les Ministres ont aussi donné leur accord pour réviser la "Charte européenne du chercheur" et le "Code de conduite pour le recrutement des chercheurs", qui dataient de 2005. Le point 36 recommande aux Etats membres et aux financeurs de mettre en œuvre les principes proposés dans ces documents. Ils sont également invités à recourir au cadre européen de compétences pour les chercheurs (ResearchComp).
Un deuxième volet de discussions lors du Conseil Recherche du 8 décembre était consacré à l'impact de la recherche et de l'innovation dans l'élaboration des politiques. Des conclusions du Conseil ont été adoptées. Elles adressent des recommandations aux Etats membres et à la Commission européenne pour faciliter l’intégration des données et des connaissances scientifiques dans le processus de prise de décision politique. Pour les 27 Ministres, le concept de "science au service des politiques" mérite d’être davantage développé pour améliorer l’élaboration des politiques et leur impact au bénéfice des citoyens. La deuxième rubrique insiste sur l’importance du rôle des écosystèmes locaux et régionaux de recherche et innovation. Différentes initiatives sont citées comme outils à utiliser : approfondissement des stratégies de spécialisation intelligente, appels à projets "écosystèmes européens d’innovation" dans Horizon Europe, ou mise en place de "Vallées de l’innovation".
Principal outil de la Commission en faveur de la recherche et de l’innovation, le programme-cadre ("framework programme – FP" en anglais) fêtera ses 40 ans l’an prochain. L’actuel "Horizon Europe", qui correspond à la neuvième version du programme-cadre (FP9), arrivera à son terme à la fin du budget pluriannuel de l’UE en 2027. La Commission se doit donc de préparer la suite, et commence à réfléchir aux nouveautés, améliorations à apporter au futur programme à partir de 2028, que ce soit en ce qui concerne les priorités de financements, l’architecture du programme ou encore la gouvernance. Pour l’accompagner dans ces travaux, qui aboutiront à la publication des propositions règlementaires probablement à la mi-2025, la Direction générale de la recherche et de l’innovation a constitué un groupe d’experts de haut-niveau. Piloté par l’ancien Ministre portugais de la Recherche, Manuel Heitor, ce groupe "FP10" est constitué de 15 experts, dont la française Isabelle Ryl, Directrice de l’Institut PRAIRIE (PaRis Artificial Intelligence Research InstitutE) fondé en 2019 notamment par l’INRIA et le CNRS. Il est prévu que le groupe de haut-niveau remette son rapport de position à la Commission européenne en octobre 2024. L’impact de la recherche et de l’innovation dans la réponse aux défis sociétaux, l’équilibre à trouver entre recherche fondamentale et recherche appliquée ou encore l’articulation avec les programmes nationaux devraient être au cœur des discussions.
Au-delà des orientations du futur programme, la question du budget sera évidemment clé. Les parlementaires européens ont d’ores-et-déjà estimé en octobre dernier que 200 milliards € pour la période 2028-2034 (contre 95 pour la période 2021-2027) seraient nécessaires pour maintenir la compétitivité européenne. Les négociations budgétaires relèvent néanmoins des Etats membres. Sur ce sujet déterminant, la balle sera donc dans le camp des 27.